Bon, ça y'est, y doit pas y avoir des nouvelles intéressantes ces temps-ci pour les journaux, puisqu'on revient encore sur la piètre qualité du français de nos jeunes au secondaire... messemble qu'on en entend souvent parler hein ?
Je me permets une petite digression historique pour répondre à l'article de Katia Gagnon de la Presse, pour peut-être apporter un éclairage différent sur le phénomène... Il me semble que ça remets les choses en perspective, mais je vous laisse en juger par vous-même.
J'ai eu la chance d'avoir un cours de l'histoire de la langue française durant mes années de baccalauréat à l'Université Laval, avec un certain M. Lionel Boisvert, excellent professeur qui m'a appris énormément de choses fort intéressantes qui ont changé mon point de vue sur cet éternel débat.
C'est très drôle ces histoires sur la mauvaise orthographe de nos élèves, car elles reviennent en moyenne à chaque 10 ans dans les journaux francophones. Ça fait 200 ans qu'on reproche aux jeunes générations que leur français est bâclé. En effet, si on fouille dans les archives de journaux, on voit la même "crise" se répéter à chaque dizaine d'années environs, et à chaque fois on dit que c'est pire que précédemment.
Pourquoi les gens en général, et pas seulement les élèves du secondaire ont de la difficulté en français ? Parce que les normes de la langue françaises ont été établies sur des bases élitistes visant à éloigner la population paysanne des fonctions publiques, en compliquant énormément la langue pour rien. Comparativement à l'anglais ou à l'espagnol, où l'orthographe est beaucoup phonétique, le français a énormément de particularités qui en font une langue difficile à maîtriser au niveau orthographique, et demande de la mémoire comme plusieurs linguistes le mentionnent.
Des exemples ? Y'en a plein pour la grammaire et l'orthographe, qui n'ont pas de sens, pas de logique, pas de fondement, sauf des décisions d'hurluberlus :
- Cheval/Chevaux
- Genou/Genoux (Merci Charles pour ta contribution !)
- Je comprenDS (ça s'écrit pas comme ça se prononce hein ??)
- Poids
Un autre problème est que contrairement à des langues comme l'espagnol ou l'anglais, il y a un ÉNORME fossé entre la langue parlée et la langue écrite en français, car la norme n'a pas su évoluer avec l'usage. Elle a été fixée au 17ème siècle et on a eu peine et misère à la faire changer (les Français refusent encore de féminiser les noms de profession, imaginez !!)
Au 17ème siècle, lorsque les normes de la langue française ont été mises sur pied, par Malherbe et Vaugelas, entre autres, on a codifié le français de l'élite. La norme ne prenait pas en considération l'usage réel de la langue, et elle était plutôt dictée par les phobies d'une petite caste d'élites (tous les mots "bas", les mots du peuple, qui "sentaient la sueur" étaient rejetés de la norme).
Tout de même, au 17ème siècle, la norme était basée sur le langage parlé - par une minorité, bien sûr, mais parlé quand même - le langage vivant de l'époque. Par la suite, on a gardé cette norme là en pensant qu'on avait atteint le stade de la perfection, le stade ultime, l'idéal de la langue française, qu'on a conservé jusqu'à aujourd'hui. C'est là le danger, c'est à partir de ce moment critique qu'on va se refuser à faire évoluer la norme, ce qui explique qu'il y a un énorme fossé entre la langue parlée et la langue écrite, car le français écrit n'a pas su évoluer, contrairement à des langues comme l'anglais où l'oral est très près de l'écrit. Ça amène évidemment son lot de problèmes.
En 1830 en France, on a décrêté que la connaissance de l'orthographe française était obligatoire pour obtenir un poste public, et ça traduit l'idéologie véhiculée à l'époque que la connaissance d'une langue implique obligatoirement une maîtrise de l'orthographe, orthographe très "manipulé" par une élite capricieuse et refusant de faire évoluer la norme pour réfléter une langue qui, étant vivante, change nécessairement avec le temps.
La grammaire française est aussi une grosse blague. Quelqu'un peut m'expliquer rationnellement pourquoi on écrit "Les enfants que j'ai vuS", mais qu'on écrit "J'ai vu des enfants" ? Ça n'a aucun fondement, aucune logique, ce n'est que de l'émulation des grands auteurs du 17ème siècle. On a simplement sacralisé la grammaire et l'orthographe malgré des résistances pour une simplification dès le 16ème siècle. Pourquoi ? Parce que la maîtrise de la langue française servait (et sert encore souvent, malheureusement, dans un nouveau contexte) à différencier les instruits des paysans, et la bourgeoisie s'en servait pour empêcher l'accession du "bon peuple" à la fonction publique, et nécessairement pour l'empêcher de se rapprocher du pouvoir.
Ok, ça commence à être pas mal long, je vais me calmer. Je concède que des améliorations peuvent sûrement être apportées au système d'éducation, mais nos enseignants ne sont pas des crétins non plus. Moi aussi le langage texto, ça m'énarve. Moi aussi j'ai un préjugé sur le monde qui écrivent tout croche, malgré ce que je viens de reconnaître... Mais force est de constater que la langue française a toujours été et sera toujours un problème au niveau de l'écrit en raison de son conservatisme et de son élitisme. Ne pas maîtriser l'orthographe et la grammaire, ce n'est pas d'être un taré, c'est une question de mémoire, et on a peu de contrôle là-dessus. C'est dommage parce qu'évidemment, on a toujours un préjugé défavorable lorsqu'on lit un texte truffé de fautes, mais pourtant ça n'enlève rien à la valeur du contenu. Les anglophones et les hispanophones n'ont pas du tout ce problème, parce que leur langue est plus près de ce qui se parle vraiment, elle a su évoluer et se simplifier.
Donc, soit qu'on réforme la langue française pour qu'elle ait du sens, ou bien on arrête de revenir sur ça à chaque 10 ans, parce que c'est un faux-débat.
Voilà mon *très long* point de vue.
Ah oui, fait intéressant. Saviez-vous que Louis XIV, quand il parlait, il prononçait "LE ROUÉ, C'EST MOUÉ", pour dire "Le Roi c'est Moi" ? :) Pensez-y... Beeep !
8 novembre 2007
S'abonner à :
Messages (Atom)